Sahel : la carence prospective de la décennie verte 2000-2010
Après une décennie verte 2000-2010 marquée par une intéressante stabilité politique et une vitalité institutionnelle et démocratique au Niger, au Mali et au Burkina-Faso, on se rendit compte en 2008 du désastre qui se profilait. Désastre causé par le non accompagnement de la fertilité économique héritée de cette décennie verte. D’autre part, on se rend compte également bien plus tard que l’avènement de la question sécuritaire dans cette région n’était pas fortuit et uniquement de causes extérieures. Mais, qu’il s’agit bien également, d’une conséquence reliable aux approximations dans la planification économique et aux mauvaises décisions prospectives prises par les gouvernements de l’époque.
Le cas exemple du Niger entre 2007 et 2008
Au Niger, les recettes budgétaires étaient en progression prévisionnelle de 31,8% et devraient atteindre plus de 407 milliards soit 17,5% du PIB contre 15,2% en 2007 selon un des rapports semestriel de l’Uemoa en 2008. Le solde global du pays était à 0,5% du PIB contre – 1,0% en 2007. En 2009, le déficit devrait être de 13,1%. La production globale du pays était en maintien continu sur les années 2027, 2008 et 2009. Le taux de production dans le pays en 2008 était de 5,9% contre 3,3% en 2007. Cette production était maintenue par les bonnes campagnes agricoles. Ces bonnes campagnes s’étaient succédées quasiment depuis le début de la décennie. D’autres secteurs stratégiques avaient connu également un développement particulièrement inattendu pendant cette décennie. C’est le cas du BTP, de l’industrie et du transport. Tous les secteurs économiques avaient connu un boom de croissance : la pêche +4,1, l’élevage 4,2% en 2008.
La carence de la planification et la fin de la période verte
La mauvaise gouvernance que je définis ici comme une mauvaise planification et une mauvaise prise de décision est passée par là. En 2008, la population active nigérienne était concentrée dans quatre régions essentiellement (Zinder +18% des actifs, Maradi +18% des actifs, Tahoua +16% des actifs et Tillabéri +16% des actifs). Rien de surprenant car ces régions étaient déjà, bien avant les années 2000, très importantes sur le plan démographique. Cette concentration démographique n’a finalement pas bénéficié de la vigilance appropriée. Aujourd’hui, les séquelles sont importantes. La région de Tillabéri est une des régions les plus impuissantes et problématiques face au djihadisme. Elle est exposée au terrorisme et au banditisme transfrontalier.
La carence prospective nigérienne et plus largement sahélienne a conduit, pendant cette décennie, à une relégation des fractures, inégalités sociales et territoriales – On aura également constaté la mise à l’écart et l’oubli des questions sécuritaires et de défense.
Le facteur prospective toujours actif
La croissance démographique au Sahel va continuer. La période trouble du djihadisme ne limitera pas cette croissance encore moins les besoins sociaux de bases. Et les États sahéliens, dans les formes actuelles sont en difficultés face aux fractures. Dans la lutte menée contre le djihadisme au Sahel, la prospective stratégique va rester de mise pour les décennies à venir. Ce petit focus sur les approximations de la gouvernance pendant une période propice – au Niger – montre à bien des égards l’enjeu de la planification et de l’analyse prospective.
Auteur : Mohamed MAIGA, ingénieur des politiques sociales, Directeur général du cabinet Aliber Conseil – contact@aliberconseil.com