Trump et les droits de douane : Répercussions mondiales et africaines
Le 2 avril 2025, Donald Trump a lancé une nouvelle offensive dans sa politique commerciale en signant un décret présidentiel instaurant des droits de douane sur une série de produits étrangers jugés « prédatoires ». Cette mesure, loin d’être une surprise dans le cadre de sa stratégie protectionniste, marque cependant un tournant majeur dans la guerre commerciale que le président américain mène depuis son arrivée à la Maison-Blanche. Au-delà de l’effet de choc qu’il cherche à provoquer, cette décision soulève des questions fondamentales sur ses conséquences à la fois pour les États-Unis, pour le reste du monde, et particulièrement pour le continent africain, déjà vulnérable à ces turbulences économiques mondiales.
Depuis le début de sa présidence, Donald Trump a toujours mis en avant l’idée de redresser l’économie américaine en renégociant les accords commerciaux et en imposant des barrières tarifaires pour protéger les industries nationales. Cette approche s’inscrit dans une vision plus large de “l’Amérique d’abord”, qui considère que les États-Unis ont été lésés par des pratiques commerciales jugées injustes. La signature de l’Executive Order du 2 avril poursuit cette logique, avec des mesures destinées à réduire le déficit commercial et à renforcer les secteurs économiques clés. Mais derrière cette volonté de renégocier les règles du commerce mondial, se cache une stratégie bien plus complexe qui pourrait avoir des répercussions profondes non seulement sur les économies des grandes puissances, mais aussi sur celles des pays africains, souvent en marge de ces négociations.
L’impact sur l’Afrique du Sud et le continent africain
L’Afrique du Sud, en tant que première économie du continent et acteur clé des échanges commerciaux avec les États-Unis, pourrait être particulièrement touchée par cette nouvelle politique de Trump. Le pays exporte des produits métallurgiques, agricoles, ainsi que des pierres précieuses vers les États-Unis. L’instauration de droits de douane pourrait rendre ces exportations moins compétitives, d’autant que l’Afrique du Sud cherche à diversifier ses marchés d’exportation après une période de récession économique. De plus, cette mesure pourrait perturber les efforts de l’Afrique du Sud pour attirer des investissements étrangers, notamment dans les secteurs miniers et industriels.
Quant aux autres pays du continent, la situation pourrait être encore plus délicate. L’Afrique est un acteur commercial qui cherche à se construire une influence commerciale mais difficilement, c’est l’exemple à travers l’Accord de libre-échange continental africain (AfCFTA), qui cherche à stimuler les échanges intra-africains. Cependant, les nouvelles barrières tarifaires instaurées par les États-Unis risquent de réduire drastiquement la compétitivité de certains produits africains sur le marché mondial. Par exemple, les pays du Sahel, qui exportent des produits agricoles comme le coton ou le cacao, pourraient voir leurs exportations affectées par ces mesures protectionnistes.
L’impact sur les pays du Sahel et le Lesotho
Les pays du Sahel, qui exportent des matières premières et de produits agricoles, sont particulièrement vulnérables aux fluctuations des tarifs douaniers mondiaux. Par exemple, le Mali, le Niger, ou encore le Burkina Faso, qui exportent du coton et des produits agricoles vers les États-Unis, pourraient se voir confrontés à une baisse de la demande de leurs produits si les tarifs douaniers augmentent. Cette situation pourrait également entraîner une hausse des coûts pour les entreprises locales et aggraver la pression économique sur des populations déjà fragilisées par des défis politiques et sécuritaires.
En ce qui concerne le Lesotho, un petit royaume enclavé en Afrique du Sud, sa dépendance aux exportations de textile et d’habillement vers les États-Unis pourrait le rendre particulièrement vulnérable à la politique de Trump. Bien que le pays bénéficie du programme AGOA (African Growth and Opportunity Act), qui lui permet d’exporter certains produits vers les États-Unis sans droits de douane, des hausses généralisées des droits de douane sur d’autres biens pourraient perturber cet avantage commercial et ralentir la croissance économique du pays.
La réponse africaine et les perspectives d’avenir
Face à cette nouvelle montée du protectionnisme américain, les pays africains risquent de réagir en cherchant à renforcer leurs partenariats avec d’autres blocs commerciaux. L’Union européenne, par exemple, pourrait offrir des alternatives aux pays africains, bien que les relations commerciales avec l’UE ne soient pas exemptes de tensions. Par ailleurs, des acteurs émergents comme la Chine et l’Inde pourraient jouer un rôle clé dans la diversification des relations commerciales de l’Afrique. Pour le Sahel, la stratégie commerciale avec la Russie (tout de même en guerre), la Chine et la Turquie reste sous surveillance quand on sait l’importance des échanges entre ces pays et les Etats-Unis.
L’accord de libre-échange continental africain (AfCFTA), en cours de mise en œuvre, pourrait également offrir une plateforme pour limiter les effets négatifs des politiques protectionnistes américaines. Ce projet ambitieux de marché intégré pourrait offrir aux pays africains de nouvelles opportunités de croissance en renforçant les échanges intra-africains et en réduisant la dépendance vis-à-vis des puissances économiques extérieures.
Un test pour la politique protectionniste de Trump
Le véritable test pour cette politique protectionniste aura lieu lors des élections de mi-mandat, prévues en 2026. Si les résultats économiques à court terme montrent des signes de faiblesse, l’opinion publique américaine pourrait remettre en question l’efficacité de la stratégie de Trump. En revanche, si les résultats sont positifs, Trump pourrait consolider sa position et étendre son influence sur les négociations commerciales internationales. Cependant, l’Afrique, bien que géopolitiquement moins influente, pourrait jouer un rôle clé dans cette dynamique en cherchant à diversifier ses relations commerciales et à exploiter les nouvelles opportunités qui émergeront dans un monde économique de plus en plus multipolaire.
En somme, la décision de Trump d’imposer de nouveaux droits de douane sur une série de produits étrangers représente un tournant significatif dans la guerre commerciale mondiale. Si les États-Unis cherchent à redéfinir les règles du commerce mondial, l’Afrique devra naviguer dans cet environnement complexe pour limiter les conséquences négatives de ces mesures. Les pays du continent, notamment l’Afrique du Sud, le Sahel, et le Lesotho, devront développer de nouvelles stratégies pour se protéger contre les effets de cette montée en puissance du protectionnisme, tout en cherchant à diversifier leurs partenariats commerciaux et à renforcer les liens intra-africains. La manière dont les pays africains et notamment sahéliens (en pleine crise sécuritaire) s’adapteront à ces changements sera cruciale pour l’avenir économique du continent.
Mohamed MAIGA, consultant, directeur du cabinet Aliber Conseil