L’économie de la contribution : une piste théorique pour un développement économique et social

Ce texte permet d’évoquer l’économie de la contribution comme une piste théorique pour un développement économique et social au Mali.  A ce titre, ce travail qui évoque quelques grandes lignes dans l’approche de l’économie de la contribution, est une contribution dans la recherche de pistes pour les objectifs de développement économique et social.

Un triptyque pour appréhender l’économie de la contribution

Assez rapidement, on pourrait tenter d’approcher l’économie de la contribution à travers un triptyque, celui de l’association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit, Ars Industrialis[1] sur lequel se réfère Bernard Stiegler[2], figure importante de la théorisation de l’économie de la contribution.

Dans ce triptyque, on retrouve trois caractéristiques principales de cette économie.

Le premier consiste à dire que les producteurs et les consommateurs ne sont pas des acteurs à part, des acteurs séparés. Les producteurs et les consommateurs seraient alors tous des acteurs économiques. Cela revient à mettre en question le système de fonctionnement de l’économie du marché notamment qui distingue bien ces deux fonctions. En soutenant que les consommateurs sont des acteurs économiques, cet aspect du triptyque met en avant l’idée selon laquelle toute personne est capable de produire de la richesse. On est alors dans la thèse des auteurs comme Amartya Sen et de toutes les recherches menées sur les capacités, les capabilités et la capacitation.

En se référant à l’écosystème malien, on perçoit assez vite que plusieurs acteurs économiques sont dans cette perspective.

Le second consiste à dire que la valeur produite n’est pas intégralement monétarisable. Dans ce sens, l’économie contributive ne fonctionne pas uniquement sur l’argent. Il y aurait des interactions positives entre les acteurs économiques qui ne sont pas monétarisable, mais constituent une externalité positive[3]. Dans l’économie de la contribution, tout n’est pas convertissable en monnaie. La mutualisation et la mise en commun dans le sens d’Elinor Olstrom pourrait également être une source supplémentaire d’appréciation de l’économie de la contribution à travers ce second aspect du triptyque. En effet, quand on gère en commun, on collabore nécessairement et à partir de là, il y a des interactions et celles-ci peuvent être positives, mais elles ne se réduisent pas uniquement à une équivalence monétaire.

On retrouve ici, un aspect qui pourrait être repéré au niveau du Mali.

Le troisième consiste à dire que l’économie de la contribution serait une économie des existences. Ce qui amène à se dire qu’il s’agit d’une économie productrice de savoir-vivre. Cette économie, à ce titre produirait autre chose que de la matière première. Cette autre chose, serait le « savoir-vivre ». Ce troisième aspect du triptyque fait référence également à une économie de la subsistance. A ce niveau, il y a une référence à l’autosubsistance. Cela renvoie par exemple au fait que « certaines sociétés primitives ont été analysées comme des sociétés d’autosubsistance. Aujourd’hui encore, en Amérique latine, en Asie ou en Afrique, on peut trouver, plus ou moins exceptionnellement, des groupes sociaux de dimension réduite ou très réduite vivant dans une autarcie assez large à l’égard du monde, et on les dénomme économies de subsistance »[4].

Cette approche de l’économie de la contribution peut être complétée par une approche compréhensive.

L’économie de la contribution : un cadrage critique, positif et global

Appréhender l’économie de la contribution revient à poser en même temps deux cadrages assez importants.

Le premier cadrage est lié à une perspective de dépassement des systèmes de fonctions dans la production mais également et surtout du système de consommation capitaliste. Ce cadrage est important à cerner dans la mesure où il s’agit d’une perspective critique qui s’inscrit dans une volonté d’évolution voire de changement de système de consommation et de d’organisation de la production. A ce titre, certains auteurs définiront l’économie de la contribution « comme une tentative de dépasser les fonctions de production et de consommation liées au consumer capitalism, dont les contradictions régressives ont été analysées par différents auteurs (Barber, 2007; Reich, 2008 ; Galbraith, 2008 ; Stiegler, 2008b ; Franck, 2010) »[5].

Cette perspective de compréhension de l’économie de la contribution est manifeste au niveau des acteurs économiques de petite taille, de taille moyenne, du secteur coopératif et associatif. Ces structures s’inscrivent dans un positionnement social et économique critique de certains fonctionnements du modèle économique capitaliste. Elles s’inscrivent dans ce sens dans une volonté de progrès social et d’autonomisation. Il s’agit, à ce titre de progrès dans les modèles de production, dans le modèle de développement économique et social mais également dans les modèles de consommation hérités du capitalisme notamment. Soulignons à ce titre que le Mali est un pays qui a hérité de deux grands modèles économiques et sociales (socialisme et capitalisme). Et le pays peine à trouver le juste équilibre milieu économique et sociale tiré de ces deux modèles ; ce qui pourrait permettre de meilleures réponses économiques et sociales.

On peut ainsi évoquer l’économie de la contribution comme un ensemble de pratiques économiques spécifiques auxquelles ceux qui contribuent adhèrent librement et adoptent des formes d’engagement et d’investissement importantes. On retrouvera ces aspects dans tous les domaines concernés par cette économie, les transports, le domaine de l’électronique, de l’informatique, de l’alimentation.

A ce titre, les acteurs de petite taille, de taille moyenne, coopératif et associatif sont complètement concernés. D’autant plus que dans les pratiques économiques spécifiques que l’on a évoquées, il y a un autre élément importants, la coopération et la diffusion des connaissances sans aucun type de contrepartie traduite sous forme monétaire. En plus des caractéristiques déjà évoquées, la coopération et la diffusion des connaissances, est un élément essentiel du système contributif.

L’intérêt est d’arriver à comprendre l’impact de la contribution au niveau du Mali dont on a évoqué l’inscription dans une perspective critique des modèles de production et de consommation issus du capitalisme et du socialisme notamment.

Le second cadrage est important au même titre que le premier. Ce dernier (l’économie de la contribution comme mode de régulation) est envisagé comme positif dans le sens où il incarne un mode de régulation. Ainsi « en tant que forme d’organisation positive, elle (l’économie contributive) se définit comme un mode de régulation qui aménage la diffusion d’effets externes à partir des interactions spécifiques entourant certains types d’activités. En témoignent les conditions de fonctionnement propres à trois champs d’investigation différents, qui permettent d’identifier les facteurs distinctifs de l’économie de la contribution : l’économie numérique, les systèmes locaux d’innovation et l’économie sociale et solidaire »[6]

Cette approche est à ce titre indissociable d’une prise en compte des rapports de force externes à cette économie surtout en ce qui concerne les relations entre les acteurs économiques, « l’économie de la contribution concerne l’influence des effets externes dans le cadre des relations entre agents économiques, et en particulier d’agents économiques situés, à l’exemple des systèmes locaux d’innovation »[7].

Ces effets externes peuvent être négatifs ou positifs. Quand ils sont positifs, ils permettraient une amélioration rapide de la productivité. On peut dans ce sens comprendre que l’aspect collaboration est un élément important dans le système contributif surtout au niveau de la productivité. F. Cormerais évoque cela notamment en faisant référence au développement des logiciels libres.

On pourrait avoir une troisième approche de l’économie de la contribution. Ce dernier fait office de pont entre une première approche critique et une seconde approche de l’ordre plus pratique. Cette troisième dimension plus globale s’inscrit dans une perspective de dépassement des modèles existants. Celle-ci permet dans un premier temps de regarder les formes d’organisation particulière dans l’économie capitaliste, dans l’économie sociale et solidaire (associations, mutuelles, coopérative etc.) et le système redistributif de l’Etat. Dans un second temps, dans cette approche, il y a tout de même un rapprochement que l’on peut faire entre le système du capital, le système de l’Etat et le système contributif. Ce rapprochement à ce niveau serait un peu plus lié à « des origines, des histoires et des conditions de fonctionnement ».[8]. En ce qui concerne le tiers secteur, il se retrouve pleinement dans le système contributif même si certains aspects méritent d’être questionnés, ceux  liés notamment au statut du contributeur.

[1] http://arsindustrialis.org/

[2] http://arsindustrialis.org/bibliographiebiographie

[3] http://energie-developpement.blogspot.fr/2012/06/externalite-negative-positive-politique.html

[4] http://www.universalis.fr/encyclopedie/economie-de-subsistance/

[5] Économie de la contribution et innovation sociétale, 2011/1 (n°34), Page 153, Philippe BERAUD et Franck CORMERAIS

[6] Philippe BERAUD et Franck CORMERAIS, Économie de la contribution et innovation sociétale, 2011/1 (n°34), Page 153, Philippe BERAUD et Franck CORMERAIS

[7] Philippe BERAUD et Franck CORMERAIS, Économie de la contribution et innovation sociétale, 2011/1 (n°34), Page 165

[8] Philippe BERAUD et Franck CORMERAIS, Économie de la contribution et innovation sociétale, 2011/1 (n°34), Page 165